Des vidéos d’exactions présumées de mercenaires russes au Sahel relayées sur Telegram. Des experts dénoncent une stratégie délibérée de terreur numérique.
Un nouveau rapport, déjà entre les mains du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), met en cause les mercenaires présumés du groupe paramilitaire russe Wagner dans des actes de barbarie filmés et diffusés sur les réseaux sociaux. Le document, consulté par l’agence Associated Press (AP), a été rédigé par des spécialistes de l’Université de Berkeley, aux États-Unis. Il s’appuie sur des preuves issues de groupes Telegram anonymes soupçonnés d’être gérés par d’anciens ou actuels membres de Wagner.
Les images, d’une extrême violence, montrent des scènes d’exactions contre des civils dans plusieurs pays du Sahel, notamment au Burkina Faso. Certaines vidéos font état de mutilations, voire de cannibalisme, diffusées de manière répétée pour choquer, intimider et affirmer une forme de domination. Pour les auteurs du rapport, ces contenus relèvent d’une « utilisation des réseaux sociaux comme d’une arme ».
Selon les chercheurs de Berkeley, le but de cette diffusion massive est clair : prolonger l’effet destructeur des violences physiques par une dimension numérique. « Ces crimes numériques viennent aggraver les souffrances des victimes directes et créer une onde de choc psychologique bien au-delà des zones de conflit », explique le rapport. Cette pratique, inédite dans son ampleur et sa systématisation, justifie à leurs yeux l’ouverture d’enquêtes pour « crimes de guerre numériques » liés à des exactions physiques.
Le rapport appelle ainsi la CPI à étudier ces violations dans une approche élargie du droit international pénal, soulignant le rôle structurant de la communication dans les opérations violentes menées par des groupes paramilitaires.
Les experts tiennent néanmoins à préciser que Wagner n’est pas seul à user de ces méthodes abjectes. Des groupes armés, milices ou individus non liés à cette organisation ont également diffusé sur d’autres plateformes notamment le réseau X (anciennement Twitter) des vidéos similaires. Mais le mode opératoire mis en lumière dans ce rapport montre, selon eux, une sophistication et une volonté stratégique d’instrumentaliser la violence visuelle.
Ce nouveau dossier s’ajoute à une série d’enquêtes internationales visant le groupe Wagner pour des violations graves du droit humanitaire, notamment en République centrafricaine, en Libye, au Mali ou en Ukraine.