La première visite officielle du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko au Burkina Faso, les 16 et 17 mai, suscite un vif débat au Sénégal. Si cette mission d’amitié et de travail s’inscrit dans une volonté affichée de renforcer la coopération bilatérale, notamment dans les domaines sécuritaire et économique, elle ne fait pas l’unanimité dans la sphère politique et au sein de la société civile sénégalaise.
La visite a donné lieu à des échanges entre les autorités de Ouagadougou et de Dakar sur des enjeux clés tels que la lutte contre le terrorisme, la coopération énergétique et le commerce. Un accord de principe a été trouvé pour tenir prochainement la 6e session de la Grande commission mixte de coopération entre les deux pays, signe d’un rapprochement diplomatique assumé.
Cependant, cette démarche du gouvernement sénégalais soulève de nombreuses interrogations. Plusieurs voix, notamment dans l’opposition et les milieux intellectuels, dénoncent un acte susceptible de légitimer les autorités burkinabè issues d’un coup d’État militaire, et aujourd’hui isolées sur la scène régionale après avoir rompu avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES), aux côtés du Mali et du Niger.
Yoro Dia, politologue et ancien porte-parole de la présidence sous Macky Sall, qualifie la visite de « faute politique ». « Le Sénégal doit tenir son rang. Il est essentiel de rappeler à nos voisins que seule la démocratie permet aux peuples de décider de leur avenir. »
Du côté de l’exécutif sénégalais, on défend une posture pragmatique. Pour Amadou Ba, député du parti Pastef, cette visite marque un tournant : « L’isolement prôné par la Cédéao a montré ses limites. Le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Sonko veulent instaurer un dialogue responsable, dans le respect des souverainetés, afin d’aboutir à une transition vers des régimes démocratiques. »
La démarche s’inscrit dans une vision de rupture avec l’orthodoxie diplomatique de ces dernières années, affirmant l’indépendance stratégique du Sénégal tout en tentant de jouer un rôle de médiateur dans une sous-région en crise.