La Cour suprême sénégalaise a tranché : la condamnation pour diffamation d’Ousmane Sonko est confirmée. Ce mardi, la plus haute juridiction du pays a rejeté le pourvoi introduit par les avocats du Premier ministre, estimant qu’aucun vice de procédure n’avait entaché la décision rendue en appel en janvier 2024.
L’affaire remonte à l’époque où Sonko, alors farouche opposant, avait publiquement accusé Mame Mbaye Niang, ancien ministre du Tourisme, de mauvaise gestion. Poursuivi pour diffamation, Sonko avait écopé de six mois de prison avec sursis et d’une amende de 200 millions de francs CFA à verser à son adversaire. Une peine qui l’avait écarté de la course à la présidentielle de mars 2024.
Mais entre-temps, le paysage politique a changé.
Une condamnation confirmée… mais amnistiée
Si la décision de la Cour suprême met fin aux espoirs de cassation de ses avocats, elle ne rouvre pas pour autant le débat sur l’éligibilité de Sonko. Car depuis mars 2024, une loi d’amnistie est entrée en vigueur. Cette mesure, votée dans un contexte de décrispation politique, couvre les délits à motivation politique survenus entre février 2021 et février 2024 — y compris l’affaire de diffamation.
Résultat : malgré la confirmation judiciaire, Ousmane Sonko reste éligible. C’est cette loi qui avait permis son retour dans l’arène politique lors des législatives de novembre 2024, et qui continue de le protéger juridiquement aujourd’hui.
Vers une nouvelle bataille judiciaire ?
Pour autant, l’affaire est loin d’être close. Sur les réseaux sociaux, le Premier ministre a dénoncé une justice « à deux vitesses », pointant du doigt l’existence de « magistrats inféodés à des intérêts politiques ».
Plus qu’une déclaration d’humeur, Sonko annonce une offensive : il réclame la révision de son procès. Ses avocats s’apprêtent à saisir officiellement le ministère de la Justice à cet effet, s’appuyant sur un élément nouveau : un rapport de l’Inspection générale des finances, qui pointerait des irrégularités dans la gestion de Mame Mbaye Niang.
Une stratégie politique assumée
Pour de nombreux observateurs, cette nouvelle démarche judiciaire s’inscrit dans une stratégie politique plus large. En s’attaquant à la légitimité de sa condamnation, Ousmane Sonko cherche à solder les comptes du passé, tout en consolidant son image d’homme persécuté mais debout. Il veut aussi, probablement, envoyer un signal fort : malgré son poste de chef du gouvernement, il ne renonce pas à son rôle de combattant politique.
Reste à savoir si la révision du procès sera acceptée. Au Sénégal, cette procédure reste exceptionnelle et soumise à des conditions strictes. Mais pour Sonko, le combat judiciaire semble aussi important que le combat politique.