Une page se tourne dans les relations franco-sénégalaises. Ce jeudi 17 juillet 2025, la France a officiellement mis fin à plus de six décennies de présence militaire permanente au Sénégal. Lors d’une cérémonie symbolique au camp Geille, en plein cœur de Dakar, les deux dernières installations militaires françaises ont été solennellement rétrocédées aux autorités sénégalaises, marquant un moment historique dans la coopération entre les deux pays.
Sur la place d’armes du camp, le drapeau tricolore a été descendu une dernière fois, remplacé par l’étendard vert, jaune et rouge du Sénégal. Le camp Geille, plus vaste site militaire français à Dakar (cinq hectares), devient ainsi propriété de l’armée sénégalaise, tout comme l’escale militaire située à l’aéroport de la capitale.
Une cérémonie symbolique, un tournant stratégique
Côte à côte, le général Mbaye Cissé, chef d’état-major des armées sénégalaises, et le général Pascal Ianni, commandant des forces françaises pour l’Afrique, ont procédé à une passation de clé symbolique. Un geste fort qui scelle un changement de paradigme dans la relation militaire entre Dakar et Paris.
« C’est un tournant important dans le riche et long parcours de coopération entre le Sénégal et la France », a déclaré le général Mbaye Cissé, évoquant une nouvelle doctrine de défense, fondée sur la souveraineté nationale et un partenariat d’égal à égal. Son homologue français a reconnu « un changement nécessaire » et a appelé à « réinventer les partenariats face à la jeunesse africaine », soulignant qu’« il n’est plus nécessaire d’avoir des bases militaires pour coopérer efficacement ».
Une rupture chargée d’histoire
La fin de cette présence marque le point final d’une histoire militaire entamée au XIXe siècle, à l’époque coloniale. Le professeur Mor Ndao, historien à l’université Cheikh Anta Diop, rappelle : « Depuis cent cinquante ans, la présence militaire française a été constante. Sa remise en cause est donc hautement symbolique. »
Depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, la coopération militaire s’était adaptée aux contextes politiques successifs. En 2011, un premier redimensionnement avait été amorcé : les Forces françaises du Cap-Vert laissaient place aux Éléments français au Sénégal, davantage tournés vers la formation et l’entraînement conjoints, et non plus la défense directe du pays.
Une transition négociée et anticipée
La fermeture des bases françaises au Sénégal s’inscrit dans une reconfiguration plus large de la présence militaire française en Afrique de l’Ouest. Après les retraits du Tchad (janvier 2025) et de la Côte d’Ivoire (février 2025), cette décision est le fruit d’un dialogue entamé dès 2022 avec les autorités sénégalaises. Selon une source militaire française, « la perception de notre présence n’était plus tenable » sur le continent.
Au Sénégal, ce départ répond à une demande ancienne de plusieurs courants politiques, notamment de la gauche et du Pastef, aujourd’hui au pouvoir, qui en avait fait une promesse électorale. En 2023, les effectifs avaient déjà été réduits et les préparatifs de rétrocession enclenchés.
Un projet de maintien partiel, sous la forme d’un centre de formation franco-sénégalais sur le site du camp Geille, a été envisagé, mais finalement abandonné. Aujourd’hui, les maisons autrefois occupées par quelque 350 militaires français et leurs familles sont vides, en attente de l’arrivée de l’armée sénégalaise.