La sénatrice nigériane Natasha Akpoti-Uduaghan a été empêchée de pénétrer dans l’enceinte du Parlement, mardi 22 juillet, malgré une décision de justice annulant sa suspension. Une situation qui soulève de vives interrogations sur la séparation des pouvoirs et le respect de l’État de droit au Nigeria.

Abuja , L’image est saisissante. Ce mardi matin, la sénatrice Natasha Akpoti-Uduaghan, encadrée de plusieurs soutiens, s’est présentée devant les grilles du Parlement fédéral, décidée à reprendre son siège au Sénat, après quatre mois de suspension. Mais la présence dissuasive d’un cordon de policiers armés a vite transformé cette tentative en bras de fer symbolique avec les institutions.

Suspendue en mars dernier pour six mois, à la suite de graves accusations de harcèlement sexuel portées contre le président du Sénat, Godswill Akpabio, Natasha Akpoti-Uduaghan avait pourtant obtenu gain de cause devant la justice. Le 5 juillet, un tribunal fédéral avait jugé cette sanction « excessive » et ordonné sa réintégration immédiate, estimant que son éviction privait sa circonscription de toute représentation.

Mais au Parlement, cette décision de justice semble n’avoir guère de poids. Les autorités sénatoriales affirment qu’il ne s’agit que d’un « avis non contraignant ». Pire encore, elles rappellent que la sénatrice a été reconnue coupable d’outrage pour avoir évoqué publiquement l’affaire, malgré une interdiction de s’exprimer imposée par la chambre haute. Une amende, toujours impayée, accompagne cette condamnation.

Pour Natasha Akpoti-Uduaghan, la manœuvre est claire : il s’agit d’un harcèlement institutionnel déguisé. « Je ne suis pas accusée de corruption, de détournement, ni de crime. Mon seul tort est d’avoir dénoncé ce que je subis. Je suis une élue, pas une criminelle », a-t-elle martelé face à la presse, dénonçant une mandature sénatoriale « parmi les plus honteuses que le Nigeria ait connues ».

L’affaire Natasha Akpoti-Uduaghan dépasse désormais la seule querelle personnelle. Elle illustre un malaise profond : celui d’une démocratie nigériane où les rapports de force entre les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif semblent de plus en plus déséquilibrés. L’impossibilité pour une élue, munie d’une décision judiciaire favorable, de reprendre ses fonctions interroge sur l’indépendance réelle des institutions et sur la volonté politique de protéger les voix dissidentes, surtout lorsqu’elles sont féminines.

Alors que l’opinion publique nigériane se polarise sur cette affaire, les organisations de défense des droits des femmes et des libertés démocratiques appellent déjà à un sursaut. « Ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement le destin d’une parlementaire, mais celui de la justice et de la vérité dans notre pays », résume un analyste politique à Lagos.

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