Le général Assimi Goïta pourrait bientôt devenir président du Mali sans limite de mandat. Un projet de loi adopté ce mercredi 11 juin en Conseil des ministres prévoit de lui accorder un mandat renouvelable de cinq ans, sans passer par des élections, tant que la « pacification totale » du pays et de ses voisins de l’Alliance des États du Sahel (AES) ne sera pas atteinte.
Déjà à la tête de la transition depuis le coup d’État militaire d’août 2020, Assimi Goïta consolide ainsi son pouvoir. Le texte, qui doit encore être validé par le Conseil national de transition — un organe largement acquis au régime —, amorce un tournant politique décisif dans un pays déjà engagé dans une longue période d’exception.
Le projet de loi institue un mandat présidentiel de cinq ans à partir de 2025, « renouvelable » et conditionné à la situation sécuritaire. Une disposition directement inspirée des récentes consultations nationales organisées fin avril par le pouvoir, où les « forces vives de la nation » — triées sur le volet — avaient recommandé le maintien au pouvoir du général.
Ironie du sort, ce durcissement intervient alors que les autorités affirment avoir regagné le contrôle du territoire et remporté des succès contre les groupes armés. La Constitution votée en 2023 n’a pourtant pas ouvert la voie à un retour à l’ordre démocratique. Bien au contraire.
Reste une incertitude symbolique : Assimi Goïta sera-t-il désormais désigné comme « président de la République » ou conservera-t-il le titre de « président de la transition » ? Le projet prévoit en tout cas de modifier à nouveau la charte de transition, déjà amendée une première fois en 2022 pour prolonger la période d’exception initialement fixée à 18 mois.
À l’époque, les putschistes promettaient de ne pas s’accrocher au pouvoir. Aujourd’hui, ce pouvoir semble vouloir s’inscrire dans la durée, sans échéance électorale claire.
Les réactions n’ont pas tardé. Les soutiens du régime, très actifs sur les réseaux sociaux, saluent « une souveraineté retrouvée » et la consolidation d’un État « digne et fort ». À l’inverse, les voix critiques dénoncent un coup de force légalisé.
En exil, le journaliste Malick Konaté parle d’un « enterrement en grande pompe du Mali républicain », fustigeant une dictature désormais « assumée ». Plusieurs membres de la société civile s’inquiètent d’une dérive autoritaire au nom de la sécurité et d’une stratégie de confiscation du pouvoir sur fond d’hostilité envers les puissances occidentales, notamment la France, souvent accusée sans preuves de déstabilisation.
Ce virage malien s’inscrit dans une dynamique régionale. Le Burkina Faso et le Niger, également dirigés par des régimes militaires issus de coups d’État récents, ont entamé une intégration politique au sein de l’AES. Tous trois évoquent désormais la « souveraineté » comme boussole et s’écartent de plus en plus des standards démocratiques internationaux.