Un an jour pour jour après la fermeture des principales radios et télévisions privées en Guinée, le paysage médiatique reste profondément bouleversé. À l’exception de la Radio-Télévision Guinéenne (RTG), média d’État, les voix indépendantes ont été largement réduites au silence, suscitant de vives inquiétudes quant à l’avenir du pluralisme et de la liberté de la presse dans le pays.

Officiellement, les autorités ont justifié ces fermetures par un « non-respect du contenu des cahiers des charges ». Mais pour de nombreux observateurs, ces mesures relèvent avant tout d’un verrouillage politique de l’information.

La tenue du Forum sur l’avenir de la presse, organisé cette semaine à Conakry sous l’égide du gouvernement de transition dirigé par le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), n’a guère rassuré les professionnels des médias. Malgré des discours promettant une « refondation » du secteur, les faits sur le terrain contredisent ces intentions.

Le classement 2025 de Reporters sans Frontières (RSF) est sans appel : la Guinée a perdu 25 places, illustrant une dégradation brutale des conditions de travail des journalistes. En 2024, plus de 700 emplois ont été supprimés dans le secteur des médias privés, et les cas d’agressions, de harcèlements et d’arrestations arbitraires se sont multipliés.

L’affaire la plus emblématique reste celle d’Habib Marouane Camara, journaliste enlevé en fin d’année dernière par des gendarmes. Porté disparu depuis, son sort demeure inconnu, dans un silence officiel troublant. Deux mois après ce rapt, le ministre de l’Information, Fana Soumah, affirmait sans détour : « Quand l’État veut te faire taire, il te fera taire. Tu ne peux rien. »

Le Premier ministre Bah Oury, en poste depuis mars 2024, assume cette ligne dure. Lors d’une conférence de presse, il déclarait : « Ceux qui refusent d’aller dans le sens du changement vont disparaître de par leur propre faute. » Une phrase perçue comme une mise en garde directe aux journalistes qui critiqueraient le pouvoir ou refuseraient de s’aligner sur le nouveau paradigme imposé par la transition.

Pour l’heure, aucune perspective claire n’est donnée quant à une réouverture des médias privés ni à la réhabilitation des journalistes suspendus. Plusieurs organisations locales et internationales appellent à une levée des restrictions, au respect des engagements internationaux de la Guinée, et à la protection des professionnels de l’information.

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