Lagos, 28 mai 1975. Ce jour-là, l’Afrique de l’Ouest entre dans l’histoire avec la création de la CEDEAO. Cinquante ans plus tard, l’organisation régionale célèbre un demi-siècle d’existence entre acquis notables, défis persistants et aspirations renouvelées.

Un rêve devenu réalité

Il aura fallu près d’une décennie de négociations, de rencontres diplomatiques et de volonté politique pour donner naissance à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Si l’idée fut portée dès les années 1960 par le président libérien William Tubman, c’est en 1975, sous l’impulsion du général nigérian Yakubu Gowon et du président togolais Gnassingbé Eyadéma, que l’union régionale voit le jour avec la signature du Traité de Lagos.

Ce 28 mai, dans la capitale nigériane, une dizaine de chefs d’État, dont l’emblématique Félix Houphouët-Boigny, assistent au discours solennel de Gowon : « C’est un jour mémorable, le résultat d’un effort persistant pour donner des effets pratiques aux aspirations de fusion régionale. »

Le pari de l’intégration

Pour les dirigeants ouest-africains de l’époque, il s’agissait de créer un espace de solidarité face aux défis économiques, politiques et sécuritaires. L’historien Yaouza Ouro Sama, aujourd’hui greffier en chef de la Cour de Justice de la CEDEAO, rappelle le contexte : « Il y avait des États en conflit, des économies fragmentées. La CEDEAO a été une colonne vertébrale pour des pays encore jeunes dans leur indépendance. »

Dès sa création, l’organisation mise sur la libre circulation des personnes et des biens. Pourtant, sur le terrain, cette ambition prendra du temps à se concrétiser. L’ancien officier d’immigration Tony Luka Elumelu se souvient : « Jusqu’aux années 1990, les gens traversaient les frontières avec des documents improvisés, comme une autorisation fiscale. Le passeport CEDEAO n’était pas encore entré dans les mœurs. »

D’une union économique à un acteur politique

Au fil des décennies, la CEDEAO s’est imposée comme un acteur majeur sur la scène ouest-africaine, intervenant aussi bien sur les questions économiques que sécuritaires. L’organisation a joué un rôle clé dans la résolution de crises politiques, en Guinée-Bissau, au Mali ou plus récemment au Burkina Faso.

Mais le chemin reste semé d’embûches : les coups d’État militaires récents, les menaces terroristes, les défis migratoires et les tensions entre États membres rappellent que l’intégration régionale reste un chantier inachevé.

Un avenir tourné vers le numérique

En 2025, la CEDEAO se projette vers l’avenir. L’ère numérique, la jeunesse, les nouvelles technologies et les enjeux climatiques sont désormais au cœur des priorités de l’organisation. Et ironie du sort : son dernier fondateur vivant, Yakubu Gowon, détient aujourd’hui un passeport biométrique vert, symbole de l’évolution de l’institution qu’il a contribué à fonder.

Un bilan à mi-chemin

À 50 ans, la CEDEAO a-t-elle réussi son pari ? Pour beaucoup, elle incarne encore l’un des projets panafricains les plus ambitieux du continent. Mais pour continuer à exister, elle devra se réinventer, répondre aux aspirations de ses peuples, et faire de ses principes solidarité, unité et prospérité des réalités tangibles.

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