Alors que les attaques contre les droits des personnes LGBT+ et des femmes se multiplient sur le continent africain, une nouvelle offensive se dessine. À Nairobi, une conférence financée par des groupes ultraconservateurs occidentaux marque une nouvelle étape dans l’exportation de leur agenda idéologique.

Ce lundi 12 mai, une soixantaine de participants ont assisté à la Conférence panafricaine sur les valeurs familiales, organisée par le Forum des professionnels chrétiens d’Afrique (ACPF). Derrière les discours en apparence consensuels sur « la famille, socle de la société », se cache une dynamique plus inquiétante : l’influence croissante de l’ultraconservatisme religieux américain et européen en Afrique.

À la tribune, Ann Mbugua, présidente de l’ACPF, a lancé un appel à un « combat biblique » contre ce qu’elle qualifie de déclin des normes familiales. Soutenue par des organisations comme Family Watch International, Center for Family and Human Rights ou Christian Council International, cette conférence s’inscrit dans une série d’événements prévus sur le continent pour faire avancer un agenda résolument anti-LGBT et anti-avortement.

Depuis plus d’une décennie, ces groupes injectent des millions de dollars pour promouvoir leur vision conservatrice en Afrique. Ils ciblent les institutions religieuses, les ONG locales et les responsables politiques, espérant infléchir les lois en leur faveur.

Mais la conférence de Nairobi marque un tournant. Pour la première fois, des figures européennes de l’ultraconservatisme s’y sont jointes publiquement. Parmi elles, la Française Ludovine de La Rochère, à la tête du Syndicat de la famille (anciennement La Manif Pour Tous), le Polonais Jerzy Kwasniewski d’Ordo Iuris, et la députée européenne Margarita de la Pisa Carrion, issue du parti d’extrême droite espagnol Vox.

Pour Tabitha Saoyo, avocate kényane membre d’Amnesty International, il s’agit d’une « offensive coordonnée contre les droits fondamentaux », qui risque de légitimer des lois encore plus répressives.

Au Kenya, l’homosexualité reste criminalisée, et l’avortement n’est autorisé qu’en cas d’urgence médicale. Malgré une décision de justice en 2023 autorisant l’enregistrement d’organisations LGBT+ en tant qu’ONG, les discriminations persistent.

C’est dans ce contexte que des élus kényans comme Peter Kaluma entendent durcir la loi. Ce député mène actuellement un projet visant à interdire les relations entre personnes de même sexe, mais aussi toute « attitude LGBT+ » et tout plaidoyer en leur faveur. Lors de la conférence, il a accusé des ONG étrangères de « recruter » et « payer » de jeunes diplômés pour adopter un « mode de vie LGBT+ ».

Des accusations rejetées avec force par les militants locaux, comme Ivy Werimba de GALCK+, qui dénonce une stratégie bien connue : « Ils utilisent des voix africaines pour faire passer leur message et se donner une légitimité locale. »

Peter Kaluma, connu pour ses positions controversées sur l’adultère et son divorce médiatisé, surprend en figure de proue de la morale chrétienne. Pour Tabitha Saoyo, son alliance avec les groupes ultraconservateurs étrangers n’est pas idéologique, mais opportuniste : « Ce sont des intérêts économiques et politiques qui guident cette collaboration, pas une vraie convergence de valeurs. »

Pour Elsy Sainna, du Centre pour les droits reproductifs, ces conférences ne sont rien d’autre qu’ »un cheval de Troie ». « Elles visent à imposer une lecture religieuse de notre Constitution, à restreindre les droits des femmes et des minorités sexuelles au nom de la foi. »

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