Le rapprochement entre la Turquie et les autorités de l’Est libyen, longtemps antagonistes, prend une tournure stratégique qui inquiète profondément la Grèce et ses alliés. Alors qu’Ankara soutenait encore récemment les forces de Tripoli contre l’offensive du maréchal Khalifa Haftar, elle fait désormais de l’Est libyen un nouveau terrain d’expansion diplomatique, économique et militaire.

La visite à Ankara, en avril dernier, de Saddam Haftar fils du maréchal et chef des forces terrestres de l’Armée nationale libyenne (ANL) a marqué un tournant. Depuis, les deux parties affichent un pragmatisme assumé, basé sur des intérêts convergents : investissements, sécurité, et surtout ressources naturelles.

Un accord maritime contesté au cœur des tensions

Le Parlement libyen basé à Tobrouk, contrôlé par les partisans de Haftar, s’apprête à réviser l’accord maritime controversé signé en 2019 entre Ankara et le gouvernement de Tripoli. Ce texte accorde à la Turquie un accès prioritaire à une zone économique exclusive riche en gaz, s’étendant entre ses côtes méridionales et le nord-est de la Libye, sans tenir compte de l’île grecque de Crète.

Ce redécoupage maritime provoque la fureur d’Athènes, qui y voit une violation flagrante du droit international. Chypre dénonce également cet accord, tandis que l’Égypte, elle aussi concernée, fait pression sur Washington pour empêcher sa validation par le Parlement libyen.

Offensive turque sur les hydrocarbures

Dans la foulée, la société publique Turkish Petroleum (TP) a annoncé vouloir participer à l’exploration gazière et pétrolière en Libye orientale. Deux nouveaux navires de forage en eaux profondes, récemment acquis auprès de la Norvège, sont déjà destinés à ces opérations.

Mais l’ambition d’Ankara va bien au-delà des hydrocarbures. Les autorités de l’Est libyen, séduites par le modèle turc, proposent des contrats lucratifs dans le domaine de la reconstruction. L’ouverture prochaine d’un consulat turc à Benghazi devrait faciliter l’ancrage économique d’Ankara dans la région.

Athènes contre-attaque en Méditerranée

Face à ce nouveau jeu d’alliances, la Grèce riposte sur plusieurs fronts. Elle a récemment autorisé l’exploration de zones maritimes disputées et déployé des navires militaires sous prétexte de lutte contre l’immigration illégale. Une manière de montrer sa présence stratégique en Méditerranée orientale, et de dissuader la Libye de céder davantage d’espace à la Turquie.

Dans un contexte régional marqué par les découvertes de gaz offshore et les rivalités anciennes, le rapprochement turco-libyen rebat les cartes géopolitiques. Et cette fois, Ankara entend jouer des deux côtés du pays pour renforcer sa position énergétique et géostratégique en Méditerranée.

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