À Madagascar, la lutte contre l’impunité dans le milieu éducatif vient de franchir une étape décisive. Le 30 juin, un enseignant d’Antsohihy, dans le nord-ouest du pays, a été condamné à deux ans de prison ferme pour corruption sexuelle. Une décision inédite, rendue par le pôle anti-corruption (PAC) de Majunga, saluée comme un signal fort envoyé à ceux qui abusent de leur position dans l’enseignement public.

Le professeur, âgé d’une quarantaine d’années, enseignait la comptabilité dans un établissement supérieur public. Il promettait de meilleures notes à certaines étudiantes en échange de relations sexuelles. En novembre 2024, l’une d’elles, inscrite en deuxième année de gestion, a osé briser le silence en saisissant le Bureau indépendant anti-corruption (Bianco). Son témoignage, appuyé par deux autres jeunes femmes, a permis de remonter des messages explicites envoyés par l’enseignant via SMS et réseaux sociaux. Les preuves ont été jugées accablantes.

Une justice qui ouvre la voie

Les enquêteurs du Bianco ont constaté une pratique systématique : les étudiantes qui refusaient les avances du professeur étaient sanctionnées par de mauvaises notes. Le PAC de Majunga a retenu les faits de « corruption passive », estimant que l’enseignant conditionnait la bonne exécution de sa mission publique à des avantages sexuels, en violation de l’article 177 du Code pénal.

« C’est une décision pionnière », affirme Rindra Harizo, procureure en charge du dossier. Elle rappelle que les textes existent et que la justice est désormais prête à les appliquer rigoureusement. Elle en appelle au courage citoyen des témoins et victimes pour dénoncer ce type de pratiques encore largement répandues.

Une réalité largement tue

La corruption sexuelle, bien que rarement poursuivie, est une réalité bien ancrée dans le système éducatif malgache. Transparency International Madagascar, qui milite pour la bonne gouvernance, en a mesuré l’ampleur. Une enquête menée entre 2021 et 2022 révèle que près de deux tiers des 8 500 personnes interrogées reconnaissent avoir été confrontées, directement ou indirectement, à ce fléau dans leur parcours scolaire ou universitaire.

Pour Mialisoa Randriamampianina, directrice exécutive de l’organisation, cette première condamnation pourrait briser l’omerta. « C’est une des formes de corruption les plus difficiles à prouver. Elle prospère dans le silence. Dans certains établissements, il existe même une sorte de cotation implicite : une note peut s’obtenir contre une faveur sexuelle, l’examen final aussi », témoigne-t-elle, évoquant les discussions recueillies auprès d’étudiants à Antsiranana, dans le nord-est de l’île.

Une avancée, mais encore un long chemin

Cette affaire pourrait marquer un tournant dans la lutte contre les abus de pouvoir dans l’éducation à Madagascar. Mais pour que cette décision ne reste pas un cas isolé, les victimes doivent être soutenues, protégées, et encouragées à parler.

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