À quelques jours du lancement officiel de la collecte des parrainages pour l’élection présidentielle d’octobre, des voix s’élèvent en Côte d’Ivoire pour contester le dispositif mis en place. En ligne de mire : le recours à une méthode numérique jugée opaque et intrusive par plusieurs candidats indépendants.

Conformément au code électoral, tout candidat à la magistrature suprême doit être parrainé par au moins 1 % des électeurs dans la moitié des régions du pays, incluant les districts autonomes d’Abidjan et de Yamoussoukro. Cette exigence s’inscrit dans une volonté affichée de renforcer la représentativité des prétendants. Mais pour plusieurs acteurs de l’opposition et figures indépendantes, c’est la méthode de collecte elle-même qui pose problème.

À partir du 1er juillet, les collecteurs désignés par les candidats seront équipés de tablettes électroniques permettant d’enregistrer en temps réel les données personnelles et biométriques des parrains, dont une reconnaissance faciale. Si cette digitalisation entend prévenir les fraudes et les doublons, elle soulève de sérieuses inquiétudes.

Vincent Toh Bi Irié, ancien préfet d’Abidjan devenu candidat indépendant, estime que ce système remet en cause le principe fondamental du secret du vote. « Il s’agit en réalité d’une base de données qui identifie nommément chaque parrain. Dans un contexte politique fragile, cela peut dissuader les citoyens de soutenir librement un candidat », déclare-t-il.

Le député Antoine Tiémoko Assalé, également engagé dans la course présidentielle, abonde dans le même sens : « On demande aux citoyens de donner leurs données biométriques pour un acte politique. Dans un climat de méfiance, cela risque de décourager les soutiens potentiels. Il faut aller vers plus de simplicité ».

Face à la polémique, la Commission Électorale Indépendante (CEI) tente de désamorcer les critiques. Son deuxième vice-président, Alain Dogou, assure que la confidentialité des données est strictement garantie. « Il n’existe aucune possibilité que le parrainage d’un citoyen soit révélé à un tiers. Nous respectons les règles de protection des données, et l’usage des tablettes vise avant tout la fiabilité du processus », affirme-t-il.

L’enjeu est de taille : lors de la présidentielle de 2020, seuls 4 dossiers sur 44 avaient été validés par le Conseil constitutionnel, principalement à cause de parrainages jugés insuffisants ou irréguliers. Cette année, les candidats auront jusqu’au 26 août pour réunir les signatures exigées.

Au-delà de la technique, cette polémique reflète un climat de défiance persistant entre les institutions électorales et certains pans de la classe politique. Pour les candidats indépendants, la complexité et la technicité du processus risquent de créer une barrière à l’entrée, là où les partis traditionnels disposent de structures mieux organisées et de relais locaux plus solides.

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