La justice algérienne a requis ce lundi une peine de dix ans de réclusion contre l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, poursuivi pour des propos jugés attentatoires à l’intégrité du territoire national. Une affaire à la croisée des tensions diplomatiques entre Alger et Paris.
La Cour d’appel d’Alger a vu son parquet requérir une peine alourdie de dix ans de prison contre Boualem Sansal, romancier de renom, âgé de 75 ans, déjà condamné en première instance à cinq ans d’emprisonnement le 27 mars dernier. Ce verdict, très critiqué à l’international, avait suscité l’indignation de nombreuses ONG de défense des droits de l’homme et d’intellectuels.
L’affaire trouve son origine dans une interview accordée en octobre 2024 au média français d’extrême droite Frontières. L’écrivain y avait tenu des propos polémiques, affirmant que « l’Algérie a hérité de territoires historiquement marocains, concédés par la France durant la colonisation ». Des déclarations interprétées par les autorités algériennes comme une atteinte à l’unité nationale, dans un contexte régional marqué par des tensions récurrentes entre Alger et Rabat sur la question du Sahara occidental.
Le dossier de Boualem Sansal dépasse la simple sphère judiciaire. « Ce procès est politique », affirme son avocat, Me Karim Boudiaf, qui dénonce un climat de répression croissante contre les voix dissidentes en Algérie. « M. Sansal n’a fait qu’exprimer une opinion historique controversée. Il n’a ni appelé à la violence, ni porté atteinte à la sécurité nationale. »
Pour plusieurs observateurs, cette affaire cristallise également une crispation diplomatique avec la France. Le Quai d’Orsay a exprimé sa « vive préoccupation » face à l’acharnement judiciaire contre l’écrivain, citoyen franco-algérien, tandis que des sénateurs français appellent à suspendre certaines coopérations culturelles avec Alger.
Auteur de romans acclamés tels que Le Village de l’Allemand ou 2084 : La fin du monde, Boualem Sansal est connu pour son regard acerbe sur les dérives autoritaires du pouvoir algérien, l’islamisme et les traumatismes de la guerre civile. Ses critiques répétées lui ont valu d’être souvent marginalisé dans son pays, bien qu’il soit largement publié et reconnu à l’étranger.