À quatre mois du scrutin présidentiel prévu le 25 octobre prochain, la tension monte en Côte d’Ivoire. La publication, ce mercredi, de la liste électorale définitive a confirmé l’exclusion de quatre figures de proue de l’opposition ivoirienne : Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro. Aucun d’eux ne pourra ni voter, ni se porter candidat.
Le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Tidjane Thiam, a été radié en avril à la suite d’une décision de justice mettant en doute sa nationalité ivoirienne au moment de son inscription sur les listes électorales. L’ancien patron du Crédit Suisse, en exil depuis deux mois, dénonce une « dérive autoritaire » et a saisi le Comité des droits de l’Homme de l’ONU. Son avocat, Me Mathias Chichportich, déplore une « décision arbitraire et discriminatoire » contraire aux engagements internationaux du pays.
Les trois autres figures écartées l’ex-président Laurent Gbagbo, son ancien ministre Charles Blé Goudé et l’ex-Premier ministre Guillaume Soro sont absentes de la liste électorale depuis plusieurs années en raison de condamnations judiciaires. Leurs recours n’ont pas permis leur réintégration.
Du côté du pouvoir, le président sortant Alassane Ouattara, 83 ans, est bel et bien inscrit sur la liste électorale. Toutefois, il n’a pas encore annoncé s’il briguerait un quatrième mandat. En 2020, sa réélection avec plus de 94 % des voix avait été entachée par un boycott de l’opposition et des violences ayant fait plusieurs dizaines de morts.
Une Commission électorale contestée
La Commission électorale indépendante (CEI), dirigée par Ibrahime Kuibiert Coulibaly, a exclu toute nouvelle révision de la liste électorale avant le scrutin. « La procédure prend en moyenne six à sept mois », a-t-il justifié lundi en conférence de presse, en appelant au respect des décisions de justice pour « faire de la Côte d’Ivoire un État de droit ».
Mais cette position est loin d’apaiser l’opposition, qui remet en cause l’indépendance de la CEI. Jean-Gervais Tchéidé, secrétaire général du Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI), fondé par Laurent Gbagbo, dénonce une stratégie de « passage en force » du pouvoir. « Nous n’allons pas les laisser faire », a-t-il prévenu.
Le PDCI et le PPA-CI ont suspendu leur participation aux travaux de la CEI depuis avril, en guise de protestation.
Des candidatures alternatives, mais un climat tendu
En l’absence de ces poids lourds, d’autres figures politiques ont été validées par la CEI : l’ancienne première dame Simone Ehivet Gbagbo, l’ex-ministre Jean-Louis Billon et l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan. Mais ces candidatures peinent à rassurer sur la transparence et l’équité du processus électoral.
« Les conditions ne sont pas réunies pour des élections apaisées », a averti Simone Gbagbo au nom d’une coalition d’opposition, appelant à une réouverture du dialogue politique.
La liste électorale définitive compte cette année 8,7 millions d’électeurs, dans un pays de 30 millions d’habitants dont près de la moitié a moins de 18 ans. Les autorités rejettent toute interférence politique, assurant que le processus respecte les décisions d’une justice indépendante. L’opposition, elle, continue de dénoncer une instrumentalisation des institutions au profit du pouvoir en place.