Le Sénégal vit une séquence politique inédite. Pour la première fois dans l’histoire du pays, plusieurs ex-ministres sont poursuivis par la Haute Cour de justice, une juridiction exceptionnelle compétente pour juger les membres du gouvernement pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Trois anciens membres du gouvernement de l’ex-président Macky Sall ont ainsi été récemment inculpés dans le cadre d’une vaste enquête anticorruption.
Parmi les personnes visées figurent Ismaïla Madior Fall, ex-ministre de la Justice, Aïssatou Sophie Gladima, ancienne ministre des Mines, et Salimata Diop Dieng, ex-ministre de la Femme. Tous sont poursuivis pour des accusations de corruption, détournement de fonds publics et surfacturation, en lien avec des projets d’État.
Ismaïla Madior Fall est au centre d’une affaire de tentative de corruption, sur la base de révélations faites par un promoteur immobilier et un ancien haut fonctionnaire de son ministère. Ils l’accusent d’avoir perçu une avance de 50 millions de francs CFA (environ 76 000 euros) sur un marché public de 250 millions, pour la construction d’un centre de surveillance des bracelets électroniques. L’ex-ministre conteste ces accusations, mais a été assigné à résidence sous bracelet électronique, en attendant une éventuelle mise en accusation.
Aïssatou Sophie Gladima est pour sa part poursuivie pour le détournement présumé de 193 millions de francs CFA, destinés à la création d’un centre d’appui aux orpailleurs affectés par la pandémie de Covid-19. Le projet n’a jamais vu le jour. Elle a été incarcérée après sa mise en examen.
Salimata Diop Dieng a été inculpée pour complicité de détournement, dans le cadre de la gestion du fonds de riposte contre le Covid-19. Elle a été remise en liberté sous caution, fixée à 87 000 euros, tout comme trois autres anciens ministres, dont Mansour Faye, beau-frère de Macky Sall. Le rapport de la Cour des comptes avait déjà révélé des irrégularités majeures dans la gestion de ces fonds : surfacturations, marchés opaques, et absence de traçabilité dans l’utilisation des ressources publiques.