Le couperet est tombé pour Augustin Matata Ponyo. L’ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo (2012–2016) et actuel opposant politique a été condamné ce mardi à 10 ans de travaux forcés par la Cour constitutionnelle pour détournement de plus de 245 millions de dollars destinés à deux grands projets de développement, dont le tristement célèbre parc agro-industriel de Bukangalonzo.

La sentence comprend également cinq ans de privation des droits civiques, notamment l’interdiction d’exercer une fonction publique, de voter ou de bénéficier d’une libération conditionnelle. Le tribunal a toutefois été plus clément que le parquet, qui réclamait vingt ans de détention.

La cour a estimé que Matata Ponyo avait « conçu, participé et bénéficié » de ce détournement, validant des paiements surfacturés et des travaux fictifs. Selon les juges, 156 millions de dollars auraient été engloutis dans le projet de Bukangalonzo, tandis que 89 millions supplémentaires ont disparu dans un projet avorté de marché international à Kinshasa.

Le jugement va jusqu’à évoquer une usurpation de fonction : alors qu’il venait d’être nommé Premier ministre, Matata aurait continué à agir comme ministre des Finances, en contournant les procédures réglementaires. La cour a également ordonné la saisie des biens des trois condamnés, au prorata des sommes détournées.

Deux autres personnes ont été condamnées dans cette affaire : l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Deogratias Mutombo, et l’homme d’affaires sud-africain Christo Grobler, tous deux à cinq ans de prison. Ils sont actuellement hors du territoire congolais, ce qui complique l’exécution du verdict.

Du côté de la défense, l’indignation est palpable. Maître Laurent Onyemba, avocat de Matata Ponyo, a qualifié l’arrêt de « déconnecté de la vérité », dénonçant une instrumentalisation politique de la justice. « Il y a eu tout sauf du droit. Nous allons introduire une requête en inconstitutionnalité, si notre client l’accepte », a-t-il déclaré.

Augustin Matata Ponyo, qui jouit toujours de son immunité parlementaire, n’a pas été arrêté à l’issue du procès. Toutefois, le parquet pourrait bientôt délivrer un mandat d’arrêt, à moins que l’Assemblée nationale ne s’oppose à nouveau à la procédure, comme elle l’avait déjà fait par le passé.

Ce procès marque un tournant dans la lutte contre la corruption en RDC, mais soulève aussi des questions sur l’indépendance de la justice. Pour certains observateurs, cette affaire illustre la volonté du pouvoir actuel de montrer sa fermeté face aux détournements de fonds publics, alors que le pays est engagé dans des réformes économiques avec ses partenaires internationaux.

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